Depuis sa création, l’Union Syndicale s’est maintes fois adressée à la Cour de justice pour obtenir l’interprétation des dispositions du Statut et du RAA, pour contester la légalité de certaines dispositions statutaires ou règlementaires. Elle organise depuis près de trente ans des consultations juridiques gratuites
pour ses adhérents et soutient, tant d’un point de vue juridique et technique que financier, leurs actions précontentieuses ou contentieuses ainsi que les plaintes qu’ils portent devant le médiateur européen. Pour permettre à ses adhérents de faire valoir leurs droits devant la Cour de justice, l’Union Syndicale prend en charge les frais de défense suivant ses règles internes.

Le droit à l’information et à la négociation

L’Union Syndicale a négocié, avec le Conseil en 1981, la Méthode d’adaptation automatique des rémunérations des fonctionnaires et autres agents. L’article de M. Günther Lorenz retrace les péripéties de cette négociation-marathon.Suite à l’accord intervenu, le Conseil a adopté, le 15 décembre 1981, la Méthode d’adaptation automatique des rémunérations. En contrepartie, l’Union Syndicale a accepté un prélèvement, dont la dénomination a évolué avec le temps, qui a été instauré pour tenir compte des difficultés particulières de la situation économique et sociale au sein des Etats membres et s’est engagée à maintenir la paix sociale au sein des institutions de l’UE. Grâce à la mise en oeuvre de cette nouvelle Méthode, le pouvoir d’achat du personnel a été maintenu depuis près de quarante ans.

Un recours en annulation ayant été introduit devant la Cour de justice contre ce prélèvement et, donc, contre la Méthode, l’Union Syndicale s’est portée partie intervenante au soutien de la Commission et du Conseil. Par son arrêt du 3 juillet 1985, la Cour de justice (Grande Chambre) a validé la Méthode en constatant, notamment, qu’elle était le résultat d’un accord réalisé après de longues négociations entre les institutions et les organisations syndicales du personnel les plus représentatives. La Cour de justice a ainsi reconnu formellement le rôle des organisations syndicales et professionnelles (OSP) dans la défense des intérêts du personnel et l’obligation des institutions de respecter leurs activités (1).

Dans son arrêt du 18 janvier 1990(2), la Cour de justice, réunie en Grande Chambre, a précisé que la liberté syndicale impliquait la possibilité pour les syndicats de participer effectivement aux concertations techniques et politiques préalables à l’adoption de toute proposition de règlement modifiant le Statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents.

La Cour de justice a ainsi précisé la portée de l’article 24 ter du Statut, qui reconnaît le droit d’association au personnel. Ce droit a été consacré, depuis lors, par les articles 27 et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (la Charte). La Cour a précisé que la liberté syndicale implique que les institutions
respectent les activités syndicales, qui s’avèrent nécessaires pour assurer une participation effective du personnel au processus de concertation et que les représentants des OSP devaient, dès lors, bénéficier de dispenses de service selon les modalités à fixer par les institutions. C’est à la suite de cet arrêt que les institutions ont signé, avec les OSP, les accords-cadres fixant les ressources mises à leur disposition pour exécuter, dans l’intérêt de l’ensemble du personnel de l’UE, leurs activités de défense du personnel et, notamment, de permettre leurs participations aux concertations politiques et techniques ainsi que la représentation du personnel dans les différents comités paritaires, dont le Comité paritaire de promotion.

1 http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=92328&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=682777Aff. 03/83, Abrias ea/Commission, soutenue par Conseil et par Union syndicale.
2 http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=95439&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=685675 Aff. C-193/87 et C-194/87, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes.

L’UNION SYNDICALE S’EST MAINTES FOIS ADRESSÉE À LA COUR DE JUSTICE POUR OBTENIR L’INTERPRÉTATION DES DISPOSITIONS DU STATUT ET DU RAA, POUR CONTESTER LA LÉGALITÉ DE CERTAINES DISPOSITIONS STATUTAIRES OU RÈGLEMENTAIRES.

Le droit au respect de la vie privée

Dans son arrêt sur pourvoi du 5 octobre 1994(3), la Cour de justice a rappelé que le droit au respect de la vie privée, qui comporte notamment le droit d’une personne de tenir son état de santé secret, constitue l’un des droits fondamentaux protégés par l’Ordre juridique de l’Union. Dans cette affaire, le requérant s’était vu proposer un contrat d’agent temporaire pour une durée de six mois. Constatant qu’il n’avait pas donné un consentement éclairé à un test médical pratiqué à son insu, la Cour de justice a annulé la décision de la Commission de ne pas l’engager en raison d’une soi-disant inaptitude physique aux motifs que, si un examen médical d’embauche sert un intérêt légitime des institutions de l’UE, cet intérêt ne justifie pas que l’on procède à un test médical contre la volonté d’une personne.

3 http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=98823&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=687831, C-404/92 P, X/Commission.

La couverture contre les risques de maladie

Un agent a été employé par la Commission pendant plus de deux ans en tant qu’agent local et, ensuite, pendant trois ans, en tant qu’agent auxiliaire au titre d’un contrat à durée déterminée, qui a été renouvelé à dix reprises et a été couvert, à ce titre, contre les risques de maladie par le régime de Sécurité sociale belge. Il a, ensuite, été au service de la Commission en tant qu’agent contractuel auxiliaire pour une nouvelle période déterminée de trois ans. La Commission lui a, toutefois, appliqué une clause de réserve en raison des conséquences d’une maladie qui s’est déclarée alors qu’il était à son service en tant qu’agent auxiliaire.

L’Union Syndicale a soutenu, tant d’un point de vue humain et technique que financier, cet agent, lequel ne pouvait être laissé sans couverture médicale liée à la maladie qui s’est déclarée alors qu’il était déjà au service de l’institution depuis plusieurs années et couvert par le régime de Sécurité sociale belge.

Dans son arrêt du 29 septembre 2009(4), le Tribunal de la Fonction publique (TFPUE) a constaté qu’un ressortissant de l’Union travaillant dans un Etat membre, autre que son Etat d’origine, ne perdait pas la qualité de travailleur, au sens de l’article 45 du Traité sur l’UE, du fait qu’il occupe un emploi auprès de l’UE et qu’il ne pourrait, à ce titre, se voir refuser le bénéfice des droits et avantages sociaux que lui procure cette disposition du Traité. Le TFPUE a également rappelé que c’est précisément pour garantir que l’exercice du droit à la libre circulation n’ait pas pour effet de priver un travailleur davantage de Sécurité sociale que le législateur a édicté la règle de totalisation des périodes d’assurance, de résidence ou d’emploi dans le domaine de ladite Sécurité sociale (règlement [CEE] n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971). Il en a conclu que la clause de réserve médicale (articles 32 et 100 du RAA) devait être interprétée en tenant compte des exigences découlant, dans le domaine de la Sécurité sociale en particulier, du principe de la libre circulation des travailleurs, lequel fait partie des fondements de l’UE. Le Tribunal a constaté que l’application de l’article 100 du RAA pénalisait la requérante en la privant de la couverture contre les risques de maladie et était, dès lors, de nature à produire un effet dissuasif, de même qu’elle était susceptible d’entraver l’exercice du droit à la libre circulation de l’agent. Le Tribunal, après avoir constaté l’illégalité de la réserve médicale imposée à la partie requérante, a annulé la décision de la Commission.

4 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=78341&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=345978, O/Commission, F-69/07 et F-60/08.

Le partenariat enregistré

Suite à l’adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède, un fonctionnaire, reconnu comme partenaire enregistré par sa législation nationale, s’est vu refuser le bénéfice de l’allocation de foyer au motif que ce statut n’était pas visé par le Statut.

Par son arrêt du 31 mai 2001 sur pourvoi(5), la Cour de justice a rejeté l’action au motif que la décision attaquée ne violait pas les principes d’unicité du statut personnel d’une personne, ne constituait pas une discrimination fondée sur le sexe, une entrave à la libre circulation des travailleurs et à l’égalité de traitement.
Les motifs de cet arrêt de rejet ont toutefois joué un rôle important dans l’adoption du règlement du Conseil n° 723/2004 du 22 mars 2004, qui modifie le Statut et, notamment, l’article 1er de son annexe VII qui octroie le bénéfice de l’allocation de foyer aux fonctionnaires et agents enregistrés comme partenaires stables.

5 http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=46555&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=348922 ; C-122 et C-125/99, D et Suède/Conseil.

POUR PERMETTRE À SES ADHÉRENTS DE FAIRE VALOIR LEURS DROITS DEVANT LA COUR DE JUSTICE, L’UNION SYNDICALE PREND EN CHARGE LES FRAIS DE DÉFENSE SUIVANT SES RÈGLES INTERNES.

La reconnaissance de maladie grave

Le TFPUE a rendu, le 28 avril 2016(6), un arrêt particulièrement important quant à la prise en charge des frais médicaux et à la reconnaissance de maladie grave. Dans son arrêt, il a rappelé que, aux termes de l’article 24 de la Charte, dans tous les actes relatifs aux enfants, l’intérêt supérieur de ces derniers doit être une considération primordiale. Il a ensuite constaté que toute décision relative à la reconnaissance de l’existence d’une maladie grave devait se fonder sur des avis médicaux adoptés sur la base d’un examen effectif de l’état de santé de l’intéressé, examen qui doit être approprié aux circonstances de l’espèce en tenant compte de manière globale des critères médicaux prévus par la règlementation. Enfin, le TFPUE a rappelé que le médecin-conseil est tenu d’expliquer son avis pour permettre au destinataire de l’acte d’en connaître les motifs réels et d’assurer ainsi son caractère contradictoire. Constatant que la décision était motivée de façon défectueuse et contradictoire, le Tribunal l’a annulée.

6 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=177381&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=467686, F-76/15, FY/Conseil.

Le droit au congé annuel

Dans son arrêt du 19 septembre 2013(7), la Cour de justice a procédé au réexamen de l’arrêt du Tribunal de l’UE sur pourvoi. Cette procédure de réexamen était exceptionnelle et n’intervenait que sur proposition du Premier Avocat général de la Cour à l’encontre d’un arrêt du Tribunal de l’UE rendu sur pourvoi à l’encontre d’un arrêt du TFPUE. Cette procédure n’existe plus depuis la disparition du TFPUE.
Dans cet arrêt, la Cour de justice a constaté que, en vertu du principe général d’interprétation, le Tribunal de l’UE, statuant sur pourvoi, avait commis une erreur de droit en ne privilégiant pas une interprétation de l’article 1er, sexies, paragraphe 2 du Statut, qui permet d’assurer la conformité de cette disposition avec le droit au congé annuel payé en tant que principe du droit social de l’Union consacré à l’article 31 paragraphe 2 de la Charte. La Cour a précisé que cette disposition devait être interprétée en ce sens qu’elle permet l’intégration, dans le Statut et le RAA, de la substance de l’article 7 de la Directive 2003/88 en tant que règle de protection minimale venant compléter les autres dispositions statutaires traitant du droit au congé annuel payé et, en particulier, l’article 4 de l’annexe V de ce Statut. Cet arrêt est remarquable en ce qu’il rappelle les principes d’interprétation d’une disposition statutaire ou réglementaire applicable au personnel de l’UE et de la nécessité d’assurer une interprétation en conformité avec les principes du droit social de l’UE consacrés par la Charte et les directives, qui doivent être respectés par les institutions de l’Union bien que les directives sont adressées aux Etats membres.

Le Tribunal s’est ainsi référé au principe de coopération loyale, rappelé par le TFPUE dans son arrêt du 4 juin 2009(8). Ce principe, énoncé à l’article 4 paragraphe 3 du Traité sur l’UE, oblige non seulement les Etats membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire mais impose également aux institutions de l’UE des devoirs réciproques de coopération loyale avec les Etats membres et entre les institutions elles-mêmes. Le TFPUE a constaté que, à ce titre, il incombait aux institutions d’assurer, dans toute la mesure du possible, la cohérence entre leur conduite interne et leur action législative menée à l’échelle de l’UE, notamment, à destination des Etats membres. Ainsi, les institutions de l’UE doivent tenir compte, dans leur comportement en tant qu’employeur, des dispositions législatives imposant notamment des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs dans les Etats membres au moyen d’un rapprochement des législations et pratiques nationales, ainsi que de la volonté du législateur de l’UE de faire de la stabilité d’emploi un objectif proéminent en matière de relations du travail au sein de l’Union. Le TFPUE a également rappelé que cette obligation était d’autant plus contraignante que la réforme administrative a accentué une tendance à la contractualisation de la Fonction publique européenne. Ces principes ont été rappelés par le Tribunal de l’UE dans son arrêt sur pourvoi du 21 septembre 2011(9).

7 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=141785&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=495427 ; C-579/12 RX-II, Commission/Strack.
8 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=75437&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=486632 ; F-134/07, Adjemain ea/Commission.
9 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=109861&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=484423 ; T-325/09 P, Adjemain ea/Commission.

L’UNION SYNDICALE ORGANISE DES CONSULTATIONS JURIDIQUES GRATUITES POUR SES ADHÉRENTS ET SOUTIENT LEURS ACTIONS PRÉCONTENTIEUSES OU CONTENTIEUSES AINSI QUE LES PLAINTES QU’ILS PORTENT DEVANT LE MÉDIATEUR EUROPÉEN.

L’imprescriptibilité de la rémunération

La Chambre des pourvois du Tribunal a rendu, ce 27 février 2018(10), un arrêt important qui précise la portée des droits d’un fonctionnaire ou d’un agent sur le paiement d’une partie de la rémunération non payée à la suite d’une erreur d’encodage. Le fonctionnaire avait vu sa rémunération varier très sensiblement en raison d’affectations successives hors Union et à l’intérieur de l’Union. En outre, il assumait des fonctions importantes dans des conditions particulièrement difficiles. C’est en raison de ces conditions de travail très spécifiques et compliquées qu’il n’avait pas pu se rendre compte de l’erreur d’encodage commise par les services de la Commission dans l’établissement de ses fiches de rémunération. La Commission a reconnu qu’elle s’était effectivement trompée, mais elle a refusé de lui payer toute la rémunération à laquelle il avait droit au motif qu’il n’avait pas contesté sa première fiche de rémunération irrégulière dans le délai de réclamation de trois mois. Par son arrêt sur pourvoi, le Tribunal de l’UE a annulé l’arrêt rendu en Première instance par le TFPUE et, statuant au fond, a infirmé le refus de la Commission de payer le solde de rémunération dû constatant que, dans le cas d’espèce, les crédits nécessaires au paiement avaient été réservés et qu’il n’existait aucun risque de mettre en péril une situation juridique déjà acquise. Le Tribunal en a déduit que la Commission ne pouvait invoquer la violation du principe du délai raisonnable et a ainsi précisé la portée de l’article 62 du Statut qui prévoit, notamment, que la rémunération est due du seul fait de la nomination du fonctionnaire et que celui-ci ne peut y renoncer.

En exécution de l’arrêt du Tribunal, la Commission a payé au fonctionnaire le solde de la rémunération due, majorée des intérêts de retard et des frais de défense afférents aux procédures de pourvoi et de Première instance. Certaines institutions de l’UE refusent systématiquement tout dialogue avec son personnel et rejette d’office les réclamations de ses fonctionnaires. Le refus de toute forme de négociation ne me semble pas de nature à motiver le personnel ou à renforcer les liens de confiance. Il induit aussi des frais importants pour le budget de l’UE, qui supporte les frais de fonctionnement tant des services de ces institutions chargés de gérer les très – trop – nombreuses procédures précontentieuses que de ceux de la Cour de justice.
Les arrêts cités ci-dessus ne constituent qu’une partie des affaires soutenues directement ou indirectement par l’Union Syndicale aussi bien au titre de la défense d’un intérêt individuel qu’à celui de la défense de l’intérêt général.

10 http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=199684&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=351060 ; T-338/16 P, Zink/Commission.


Maître Jean-Noël Louis
Cabinet LEUL


Retour au SOMMAIRE
Published On: 18 juin 2018Catégories : Agora 80
VOIR TOUTES LES ACTUALITÉS